Edit mars 2009 : Voir mon avis sur le film Watchmen
Je ne saurais dire où j’ai entendu parler pour la première fois de ce comics de l’auteur anglais Alan Moore, mais c’était il y a un bon moment. Certainement sur l’un de ces forums consacrés à la S.F. où l’on chuchotait son nom comme celui d’un chef-d’oeuvre, une référence, un livre sacré, avec un rien de crainte respectueuse dans la voix. Assez fréquemment pour m’intriguer, moi qui ne connaissais ni ne m’intéressais particulièrement à ce genre particulier de bande dessinée qu’est le comics. A la Fnac, j’ai jeté un coup d’oeil au phénomène, mais le graphisme un peu vieillot m’a rebuté. Et puis, lorsque j’ai demandé à un collègue fan de BD s’il avait entendu parler de Watchmen, si c’était bien, il a répondu « Bien, les Watchmen ? » et il a fondu en larmes. Le genre de réaction qui vous fait reconsidérer vos pires a priori. Et là… La claque.
Who watches the Watchmen ?
Douze minutes avant minuit sur l’horloge de l’apocalypse nucléaire… Le Comédien, un ancien super-héros, a été assassiné. Rorschach, le justicier psychotique, craignant d’avoir à faire à un « tueur de masque », décide de mener l’enquête et de contacter ses anciens compagnons, pour la plupart à la retraite. A partir de là…
Tenter de résumer Watchmen serait vain, tant l’intrigue du comics est complexe. A vrai dire, je ne suis pas tout à fait certain d’avoir compris de quoi il retournait exactement et – une fois n’est pas coutume – c’est un signe de qualité. Oui, Watchmen est une enième histoire de super-héros, mais ici, point de super-méchant à combattre ni de monde à sauver. Les justiciers masqués dont il est question ici, vingt ans après l’apogée de leur carrière, sont vieux et usés. Ils ont des rides, des cheveux blancs, du ventre, et ils ont troqué leurs costumes bariolés pour des peignoirs et des charentaises. Dur dur de sortir de sa retraite confortable pour traquer un tueur hypothétique.
Ces supers-héros n’ont, pour la plupart, jamais eu de réels super-pouvoirs ni aucune particularité en dehors de leur manie de se masquer et de lutter contre le crime sans contrepartie. Loin d’être surhumains, ils ont au contraire les mêmes défauts que ceux qu’ils entendent protéger : cruauté, cynisme, orgueil, névrose… Ainsi, parmi ces vieux personnages, on croise :
Le Capitaine Metropolis, gentil blond naif qui cherche vainement à rassembler les autres super-héros en un groupe uni malgré leurs dissenssions.
Ozymandias, super-héros mégalomane, multi-milliardaire depuis qu’il a lancé une série de jouets et de produits dérivés à son image.
Le Comédien, athlète violent, amoral, et cynique, toujours un cigare ou un bon mot au coin des lèvres. Il est connu notamment pour ses accès de violences et ses multiples agressions sexuelles.
Le Hibou, qui a repris le flambeau du premier Hibou sans jamais l’égaler, et qui, dès qu’il enlève son costume, redevient impuissant… dans tous les sens du terme.
Le Spectre Soyeux, nymphomane chronique, écrasée par la personalité de sa mère, ancienne justicière masquée qui cherche à la modeler à son image.
Rorschach, tueur psychotique au seul service du bien, refusant toute espèce de compromis. Il qui ne renoncera jamais à son costume de super-héros, même lorsque tous les autres auront jeté l’éponge.
Doc Manhattan, le classique accident-de-laboratoire-qui-rend-vachement-baleze, seul véritable super-héros, puisqu’omnipotent et omniscient. Capable de manipuler la matière au niveau des atomes, il peut y lire l’avenir mais également la traverser, la transformer, se transformer… Un pouvoir absolu qui ne va pas sans une certaine mélancolie.
« Le surhomme existe et il est américain. »
Autre originalité, l’univers dans lequel se déroule Watchmen se veut profondément réaliste et historique, ancré dans notre temps. Sur fond de guerre froide et de phobie du communisme, Alan Moore imagine quelles seraient les conséquences sociologiques de l’avènement des super-héros. A commencer, en 1977, par une grève générale de la police qui, à Washington, dégénère en émeute sanglante. Laquelle est suivie par la promulgation d’une loi interdisant l’activité de super-héros et mettant fin à leur justice sommaire, à l’exception de ceux qui sont au service du gouvernement. On y croise également quelques personnages familiers comme JFK ou Richard Nixon.
Pourtant, ce monde n’est pas tout à fait le nôtre, et relève bien de l’uchronie, donc de la SF. L’avènement du tout-puissant Doc Manhattan (surnommé ainsi en référence au projet Manhattan, qui a abouti à la création de la bombe atomique), de ses connaissances et de ses pouvoirs infinis, a profondément bouleversé la société et la science. La grève de 1977 est un autre exemple, tout comme la guerre du Viêt-Nam, que l’intervention des super-héros a permis de remporter. Toutes ces différences de l’anectodique à l’historique, font partie des petits détails qui parsèment le livre et ajoutent à sa profondeur et sa complexité.
Laquelle est avant tout narrative. Le plus frappant quand on lit Watchmen, d’autant plus quand on sait que le comics fut à l’époque publié en douze épisodes, c’est le travail de l’auteur sur l’histoire et la construction du récit : retours en arrière, mises en abîme, jeux avec les pages et les dessins, effets d’éclairage, symétrie, renvois… Alan Moore emprunte aussi bien au cinéma qu’à la littérature. Certaines scènes clés se repètent régulièrement durant tout le récit, à chaque fois du point de vue d’un personnage différent, apportant un éclairage nouveau. Rien n’est laissé au hasard, et chaque dialogue peut expliciter un détail apparaissant dans une case une cinquantaine de pages plus tôt, auquel on n’avait prêté que peu d’attention. Comme si cela ne suffisait pas, l’auteur clôt chaque chapitre sur quelques pages de textes purs, extrait d’un texte n’existant que dans l’univers des Watchmen : autobiographie du Hibou, dossier psychiatrique de Rorschach, articles de presse, etc. Si bien qu’on peut lire et relire Watchmen dans tous les sens et y découvrir à chaque fois de nouveaux détails… sans doute une bonne centaine de fois.
» Watchmen – Les Gardiens (Watchmen), scénario de Alan Moore, dessins de Dave Gibson, traduit de l’anglais par Jean-Patrick Manchette, ed. Delcourt, 397 p., 45€
Un projet d’adaptation des Watchmen au cinéma est en gestation depuis plusieurs années. Terry Gilliam – un maître en matière de projet d’adaptation en gestation depuis des années – ainsi que Daren Aronofksy (le réalisateur de Pi et de Requiem for a dream) ont longtemps été pressentis pour le réaliser, sans qu’il existe un projet concret aujourd’hui. Par contre, V for Vendetta, adapté d’un autre Comics d’Alan Moore devrait bientôt arriver sur nos écrans.
Rhaaa, c’est malin, j’ai envie de le relire du coup… Déjà que je n’arrête pas de le feuilleter depuis hier soir… 😉
euh… le film est déjà sorti les mecs! faut se mettre au gout du jour mdr!!
Tuyen apprend a lire une date ..