Difficile aujourd’hui de trouver un seul éditeur prêt à parier sur l’e-book après le naufrage retentissant, en 2002, du Cybook et de la société qui l’avait conçu. Loin d’être le livre du futur tel qu’on pourrait l’imaginer, le premier e-book à la française évoquait plutôt un écran d’ordinateur, large comme une page A4, lourd comme un parpaing et rétro-éclairé à la lampe torche. Quel ingénieur cinglé a pu croire un seul instant que cette enclume bourrée d’électronique pourrait nous faire abandonner nos bons vieux bouquins ? Après quelques années de silence, une nouvelle technologie pourrait bien changer la donne. La révolution s’appelle papier électronique.
Deuxième partie du dossier consacré à l’avenir du livre.
Le papier électronique
A quoi ressemblera le livre de demain ? Les matériaux les plus en vue, en ce moment, seraient le papier et l’encre électronique (E-Ink). Imaginez une feuille de plastique transparente, flexible, roulable, pliable. Seule une tige contenant la batterie et l’électronique, à une extrémité de la feuille, est solide. Dans la feuille de plastique, de minuscules billes d’encre réagissent au passage d’un courant électrique, comme les pixels d’un écran d’ordinateur. Mais ici, nul besoin d’un puissant rétro-éclairage pour que le texte soit lisible. La feuille électronique se lit aussi simplement qu’une feuille de papier classique. Une simple pression du doigt suffit à « tourner la page » : à la faveur d’un courant électrique, les billes d’encre se réorganisent pour afficher de nouveaux caractères. Cette méthode permet une grande autonomie dans la mesure où l’affichage d’une page ne nécessite pas d’énergie, seule l’action de tourner une page use la batterie.
Le premier e-book utilisant le papier électronique a été dévoilé au début de l’année 2006 par Sony. Un peu décevant au vu des possibilités offertes par le nouveau matériau, le Sony Reader évoque au premier coup d’oeil le Cybook, mais ses proportions sont toutes autres. Douze par dix-sept centimètres, c’est à peu près la taille d’un livre de poche (10x18cm) ou d’un petit ordinateur de poche. Sa mémoire embarquée, extensible à l’aide de Memory Stick, peut contenir environ 80 livres de taille moyenne. Son autonomie permet de lire 7500 pages (soit cinq fois La guerre et la paix, nous dit Sony [1]) indéfiniment. L’interactivité et la connectivité de l’appareil permettra également d’y télécharger des flux RSS depuis son ordinateur, puis de les copier sur l’e-book pour lire ses blogs ou les dernières news de son site préféré dans le métro.
Prévu pour être distribué sur le marché européen au printemps 2006, le Sony Reader qu’un premier essai, et on peut espérer que les modèles suivants exploiteront plus encore les capacités du papier électronique, notamment en terme de flexibilité. Sony semble bien décidé, avec son e-book, à rattraper le retard accumulé dans le secteur de la musique, face à Apple qui, à l’époque où Sony pourchassait les pirates, lançait l’iPod et le iTunes Music Store avec le succès que l’on connaît. Le géant japonais compte bien dynamiser son propre portail de vente de produits commerciaux numérique grâce en en faisant le premier vendeur d’e-book. On trouve déjà sur Sony Connect la version électronique du fameux Da Vinci Code.
Les livres ne seront évidemment pas les seuls à profiter des innovations de l’encre électronique. Le défi actuel consiste à fabriquer des surfaces de papier électronique de plus en plus grandes qui serviront d’affiches publicitaires. Une technologie bien moins chère et offrant beaucoup plus de possibilités que les actuels emplacement publicitaires motorisés qui font tourner deux ou trois affiches. Les grands quotidiens s’intéressent aussi beaucoup au papier électronique : le prix de vente et les publicités qui les couvrent suffisent à peine à couvrir les frais d’impression d’un journal tirés à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. A tel point que les journaux seraient prêts à offrir l’e-book contre un abonnement au journal numérique.
Le papier de demain est-il écologique ? On pourrait le penser vu le nombre d’arbres économisés par la diffusion d’un Harry Potter numérique. Mais ce serait faire un calcul simpliste : la véritable responsable de la déforestation, c’est l’inexorable extension du territoire humain, lorsqu’on abat une forêt pour construire une ferme ou pour permettre l’agrandissement d’une ville. Lorsqu’on abat des arbres pour en faire des livres, on en replante immédiatement d’autres pour entretenir la forêt, ne serait-ce que pour avoir à disposition de nouveaux arbres pour le prochain passage. En somme, l’impression d’un livre permet d’entretenir une forêt et, pour ainsi dire, de lui apporter du sang neuf.
Le livre en papier chimique de nos bibliothèques est facilement pilonnable et recyclable, ou dans le pire des cas, biodégradable. Au contraire, le livre électronique viendra s’ajouter à l’avalanche de gadgets produits par tonne chaque année, ordinateurs, téléphones mobiles, baladeurs mp3, etc. dont la société fait une consommation gargantuesque et dont les déchets, eux, sont difficilement recyclables.
[1] Sur sa présentation animée du Sony Reader » products.sel.sony.com/pa/PRS/
- Demain les livres
- 1. L’e-book pour demain ? (4 février 2006)
- 2. Le papier électronique (19 février 2006)
- 3. L’édition électronique (6 mars 2006)
Il me semble que c’est Guerre et Paix, et pas la guerre et la paix ^^