LIR ou ne pas LIR ?

///html Le marchĂ© concurrentiel du livre /// !!!Un label pour les librairies indĂ©s Notre ministre de la culture Christine Albanel prĂ©sentait le 14 novembre dernier un ensemble de mesures destinĂ©es Ă  venir en aide aux librairies indĂ©pendantes, inspirĂ© par un rapport de Antoine Gallimard, grand manitou de la maison homonyme. Parmi celles-ci, la crĂ©ation d’un label avec un nom tout trouvĂ© « ??LIR|Librairie IndĂ©pendante de RĂ©fĂ©rence?? », attribuĂ© aux plus mĂ©ritantes des librairies indĂ©pendantes et leur permettant de bĂ©nĂ©ficier d’aides du ??CNL|Centre National du Livre?? et d’allĂšgements fiscaux. Mesure salutaire ou poudre aux yeux ? [Billet mis Ă  jour le 16/12/2007|/n/post/2007/12/06/LIR-ou-ne-pas-LIR#maj|fr]

!!!Saint Jack, priez pour nous La France est l’un des quelques pays d’Europe Ă  avoir conservĂ© un rĂ©seau relativement important de « petites librairies » aprĂšs l’avĂšnement des grandes surfaces culturelles (type ??FNAC|FĂ©dĂ©ration Nationale des Achats de Cadres?? ou Virgin) et autres supermarchĂ©s. C’est en partie grĂące Ă  la Loi Lang qui, depuis 1981, oblige le libraire comme ses nouveaux concurrents Ă  vendre un livre au prix fixĂ© par l’Ă©diteur (autorisant uniquement une ristourne maximum de 5% dans certains cas, par exemple pour une carte de fidĂ©litĂ©). D’abord, la loi Lang, est-ce une bonne chose ? Si vous ne lisez que __Harry Potter et les Reliques de la Mort__, __L’ElĂ©gance du hĂ©risson__ et le dernier Pennac, probablement pas. Car sans la loi Lang, vous pourriez trouver ces trois titres dans votre Auchan favori, Ă  un prix beaucoup plus abordable (sans doute 30% moins cher). Alors alors, me dites-vous, indignĂ©, pourquoi la loi Lang ? Et pourquoi surtout, Antoine Gallimard, Ă©diteur des trois best-sellers suscitĂ©s, dĂ©fend-il avec tant d’ardeur cette loi anti-capitaliste et son rĂ©seau de petites librairies ? Au nom de l’exception culturelle, bien sĂ»r. Laquelle n’est pas, comme on le croit souvent, le fait de mettre en avant des produits culturels moins vendeurs (selon l’idĂ©e curieuse qu’ils seraient pour cette raison de meilleure qualitĂ©, n’en dĂ©plaise Ă  [GĂ©rard Klein|http://www.cafardcosmique.com/phpBB2/viewtopic.php?p=52403#52403|fr]), mais simplement l’idĂ©e qu’un produit culturel ne doit pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une marchandise classique et qu’il donc bĂ©nĂ©ficier d’une legislation spĂ©cifique et de conditions de vente particuliĂšres. Et surtout parce que, bien sĂ»r, J.K. Rowling, Muriel Barbery et Danniel Pennac ne sont pas les seuls auteurs du catalogue Gallimard. Parce que pas moins de six cent romans paraissent Ă  chaque rentrĂ©e littĂ©raire pour la seule littĂ©rature blanche (ne parlons mĂȘme pas du reste). Parce que dans une FNAC, 20% des rĂ©fĂ©rences font 80% du chiffre d’affaires et que le reste peut bien crever la gueule ouverte au fond des rayons : c’est rĂ©duire la littĂ©rature Ă  Beigbeder et Nothomb, la SF Ă  Henri Loevenbruck et Bernard Werber, et le polar Ă  Dan Brown et Mary Higgins Clark. Il ne s’agit pas, Ă©videmment, de dire qui a tort et qui a raison, de supprimer les grandes surfaces au profit des librairies indĂ©pendantes ou le contraire. Si chacun de ses points de vente existe, c’est parce qu’il vise une certaine clientĂšle et jouit de sa propre part du marchĂ©. Mais le produit culturel livre a ceci de particulier qu’il est celui qui produit le moins de marge, et que sauf Ă  vendre Ă  cĂŽtĂ© des tĂ©lĂ©viseurs Ă  Ă©cran plat, des yaourts ou des stylos bics, le libraire a peu d’espoir de mettre du beurre dans les Ă©pinards Ă  la fin du mois. D’oĂč l’extreme fragilitĂ© financiĂšre d’une librairie indĂ©pendante. Et c’est pourquoi un libraire indĂ©pendant accueillera Ă  bras ouvert tout type de subvention. %%% %%% !!!Label au bois dormant Le label LIR se propose de reprendre le concept des cinĂ©mas labelisĂ©s « Art & Essai », crĂ©Ă© il y a bientĂŽt 50 ans, qui offre de la mĂȘme maniĂšre des subventions du ??CNC|Centre National de CinĂ©matographie?? aux cinĂ©mas proposant dans leur programmation « des films innovants et crĂ©atifs sur le plan cinĂ©matographique, classiques forgeant les bases de la cinĂ©philie, cinĂ©matographies peu diffusĂ©es apportant un regard sur le monde. » selon l’??AFCAE|Association Française des CinĂ©mas d’Art et d’Essai??. Pour obtenir le label LIR, une librairie doit aussi rĂ©pondre Ă  un certain nombre de critĂšres : *RĂ©pondre aux normes europĂ©ennes de dĂ©finition des PME (pour exclure d’entrĂ©e de jeu les grandes surfaces). *Ne pas avoir recours Ă  une centrale d’achat pour l’assortiment (on exclut les chaĂźnes type (feu) Maxi-Livres, France Loisirs, Relais H). *Atteindre une proportion de 75 % de ventes de livres par rapport aux autres biens (on exclut les librairies-papeterie-presse). *Favoriser la crĂ©ation littĂ©raire dans le choix des ouvrages (voilĂ  qui va ĂȘtre difficile Ă  dĂ©finir objectivement !) *Le fonds (livres publiĂ©s il y a plus d’un an) doit reprĂ©senter 50% de l’assortiment. *La masse salariale doit reprĂ©senter 15% du chiffre d’affaires (pour encourager les libraires Ă  employer des vendeurs qualifiĂ©s, censĂ©s ĂȘtre mieux payĂ©s – si seulement c’Ă©tait vrai !) Le choix de ces critĂšres est particuliĂšrement intĂ©ressant parce qu’il donne une dĂ©finition par dĂ©faut de ce qu’est exactement une « librairie indĂ©pendante », ce qui n’a jamais Ă©tĂ© vraiment clair pour personne. Evidemment, comme toute dĂ©finition, elle est trĂšs discutable. Par exemple, elle exclut les Relay H qui appartiennent Ă  Hachette mais pas la Librairie de Paris qui appartient aussi Ă  un grand groupe d’Ă©dition (Gallimard pour ne pas le nommer). Alors tout cela est trĂšs bien, mais l’asistanat, est-ce assez ? (tiens, ça sonne bien ça). La meilleure façon pour une librairie de gagner de l’argent, c’est encore de vendre des livres. Et le principal problĂšme avec la librairie indĂ©pendante, c’est que la majoritĂ© des gens ignore jusqu’Ă  son existence. Moi-mĂȘme, avant de faire l’??INFL|Institut National de Formation de la Librairie??, j’Ă©tais plutĂŽt du genre Ă  frĂ©quenter les ??FNAC|FĂ©dĂ©ration Nationale des Achats de Cadres??, certains que les livres y Ă©taient moins cher et le choix plus important. Pour le prix, on en a dĂ©jĂ  parlĂ©. Pour le choix, et bien… c’est une autre fausse idĂ©e, figurez-vous. Mais tout le monde est persuadĂ© du contraire, pour la simple et bonne raison que l’assortiment d’une grande surface culturelle est dĂ©fini en fonction des meilleures ventes au niveau national. Ainsi, plus un livre se vend en France, plus il y a de chance qu’il soit dans les rayons de votre Virgin. Et plus un livre se vend, plus vous ĂȘtes susceptible d’entrer dans un Virgin pour l’acheter. C’est statistique. C’est mathĂ©matique. CQFD. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on a plus de choix dans une grande surface culturelle (encore moins dans un hypermarchĂ©, qui fonctionne sur le mĂȘme principe, mais avec beaucoup moins de titres). Ainsi, un libraire spĂ©cialisĂ© qui fait bien son travail a plus de chances de pouvoir satisfaire une demande prĂ©cise. Et c’est sans parler, bien entendu, de ses connaissances et de sa capacitĂ© Ă  vous conseiller. Prenons un exemple concret. Le rayon SF de la ??FNAC|FĂ©dĂ©ration Nationale des Achats de Cadres?? du Forum des Halles, Ă  Paris, reprĂ©sente la plus grande librairie de SF d’Europe (en termes de chiffre d’affaires et de surface de vente). Mais regardez les rayons de plus prĂšs et vous remarquerez bien vite quinze exemplaires du dernier Dune par le fils de Franck Herbert. Tandis qu’Ă  la librairie Scylla Ă  Paris, on trouve beaucoup plus de rĂ©fĂ©rences diffĂ©rentes, en beaucoup moins d’exemplaires, dans une surface totale de 25 mÂČ. Dans ce cas prĂ©cis, et dans le seul domaine de la culture, on peut le dire : ce n’est pas la taille qui compte. %%% %%% !!!TireLIRe ou dĂ©LIRe ? En dĂ©finitive, ce dont on besoin les librairies indĂ©pendantes, c’est moins d’aides financiĂšres (enfin on va pas cracher dessus non plus, hein) que d’une vĂ©ritable reconnaissance du grand public et d’une image plus en rapport avec la rĂ©alitĂ© dans l’inconscient collectif. C’est toute l’efficacitĂ© du label « Art & Essai » pour le cinĂ©ma qui n’Ă©voque pas dans l’esprit des gens un droit Ă  des subventions, mais bien une programmation spĂ©cifique, Ă  l’opposĂ© des multiplexes, et de qualitĂ©. Quant au label ??LIR|Librairie IndĂ©pendante de RĂ©fĂ©rence??, au-delĂ  du jeu de mot, merci Mme Albanel, merci M. Gallimard, il n’Ă©voque vraiment pas grand chose. On peut LIRe aussi Ă  Carrefour, n’est-ce pas ? Alors tout cela est trĂšs bien, mais d’ici Ă  ce que l’existence et la spĂ©cificitĂ© des librairies indĂ©pendantes s’impriment dans l’esprit des lecteurs, il y a un pas qui ne va pas se franchir tout seul et un effort de communication indispensable. Est-ce le rĂŽle du ??SLF|Syndicat de la Librairie Française?? ? Non, puisqu’il regroupe aussi des librairies qui ne rĂ©pondent pas aux fameux critĂšres. Il faudrait donc une nouvelle association, Ă  l’image de celle qui existe pour les cinĂ©mas d’Art et d’Essai, l’??AFCAE| ASSOCIATION FRANCAISE DES CINEMAS D’ ART & D’ESSAI??. Et quel serait son nom ? ??ALIR|Association des Librairies IndĂ©pendantes de RĂ©fĂ©rences??, bien sĂ»r ! (LĂ  je n’ose mĂȘme pas demander Ă  mes rares lecteurs de rĂ©agir sur le sujet : j’ai peur d’avoir Ă©tĂ© un peu loin dans la spĂ©cialisation) %%% %%% ~maj~ !!!Mise Ă  jour du 16/12/2007 A propos de l’ignorance du grand public des enjeux du secteur de la librairie et de la façon dont certains en profitent, un article de Livres Hebdo : [Amazon en campagne pour la gratuitĂ© du port|http://www.livreshebdo.com/actualites/DetailsActuRub.aspx?id=1162|fr]. (via [ValĂ©riane|http://librairepassion.blog.ouestjob.com/index.php/post/2007/12/13/Gratuite-des-frais-de-port-%3A-Amazon-condamne|fr])

4 rĂ©ponses sur “LIR ou ne pas LIR ?”

  1. Du coup tu vas peut ĂȘtre pouvoir rĂ©pondre Ă  une question que je me pose…
    De ce que je vois, mais ce n’est peut ĂȘtre pas reprĂ©sentatif, on va dans une librairie de quartier quand on est plus jeune (D’ailleurs les 4 derniĂšres librairies non spĂ©cialisĂ©es dans lesquelles je suis rentrĂ©e avaient toutes un rayon jeunesse gigantesque et trĂšs bien mis en valeur). D’abord, est ce que c’est majoritairement vrai?
    J’ai fait pareil, Ă  une Ă©poque… D’ou la question, comment ca se fait que passĂ© un certain age, on va plus facilement Ă  la fnac?
    Moi j’ai l’impression d’avoir changĂ© pour une question de disponibilitĂ© des livres, peut ĂȘtre parce que je lis des nouveautĂ©s… En mĂȘme temps c’est vrai que le conseil est moins bon…
    Par contre je coupe court a l’argument « parce qu’on peut acheter plein de choses diffĂ©rentes en mĂȘme temps Ă  la fnac « , parce que certes, mais j’y vais aussi juste pour acheter des livres…
    Brefle…

  2. Alors, l’argument c’Ă©tait pas tant que parce que y’a plus des choses, les gens y vont plus, mais plutĂŽt que pour cette raison, c’est plus facile de survivre, parce qu’on fait beaucoup plus de marge sur ces autres produits, alors que le livre ça rapporte des clopinettes.

    Et pour ce qui est de la question de savoir pourquoi les jeunes vont plus Ă  la FNAC, je serais bien en peine de le dire, sans ĂȘtre tentĂ© de gĂ©nĂ©raliser grossiĂšrement. Peut-ĂȘtre Ă  cause de l’image « cool » et « agitateur culturel » de la FNAC, lĂ  oĂč un libraire indĂ©pendant fait plus traditionnel et familial. Je ne sais pas…

  3. Une librairie, c’est inquiĂ©tant, surtout. Je connais plein de gens qui ont peur des librairies, mais pas de la FNAC. La FNAC, c’est un supermarchĂ©, normal. Une librairie, c’est confinĂ©, y’a des livres partout et mĂȘme pas de musique.

  4. La FNAC, t’y vas parce que tu peux trĂšs bien feuilleter les bouquins et les mangas sans que les libraires viennent te dĂ©ranger. La FNAC, c’est comme une bibliothĂšque mais tu peux y acheter des livres. Tu traĂźnes lĂ -bas, tu regardes ce que tu veux, et t’as une certaine libertĂ©. Et aussi tu vas Ă  la FNAC gĂ©nĂ©ralement parce que tu comptes y trouver les bouquins que tu veux sans avoir Ă  les commander.

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