L’attentat, de Yasmina Khadra

L'attentat

L’attentat aborde le sujet dĂ©licat de la crise israĂ©lo-palestinienne par le biais de la tragĂ©die personnelle. C’est donc Ă  travers le regard d’Amine Jaafari, chirurgien israĂ©lien d’origine palestinienne dont la femme s’avĂšre ĂȘtre une terroriste responsable d’un attentat Ă  Tel Aviv que Khadra dĂ©cortique le phĂ©nomĂšne kamikaze. D’abord incrĂ©dule, Amine finit par accepter la vĂ©ritĂ© et, obsĂ©dĂ© par son besoin de comprendre, dĂ©cide de mener sa propre enquĂȘte en infiltrant le rĂ©seau terroriste.

La grande force de L’attentat est assurĂ©ment la connaissance de l’auteur de ce milieu et la mise en scĂšne trĂšs crĂ©dible qu’il en fait dans le roman. Sans jamais tomber dans le machiavĂ©lisme, Khadra confronte son personnage Ă  de sinistres gourous fanatiques qui expliquent au chirurgien comment sa femme s’est sacrifiĂ©e pour lui. L’auteur manie si bien ses dialogues qu’on se laisserait presque convaincre par n’importe qui Ă  chaque rĂ©plique si celle d’aprĂšs ne venait pas contrebalancer la prĂ©cĂ©dente.

A l’inverse, la faiblesse du roman est sans aucun doute le style pompeux dont Khadra est coutumier. Si l’on entend souvent dire que l’écriture de l’auteur est riche et Ă©lĂ©gante, elle m’a paru au contraire Ă©coeurante, dĂ©goulinante de mĂ©taphores mielleuses et parsemĂ©e d’adjectifs incongrus. Pour preuve ce passage oĂč le narrateur, qui vient d’apprendre le rĂŽle de sa femme dans l’attentat oĂč elle est morte, contemple le lever du soleil :

« La nuit se prĂ©pare Ă  lever le camp tandis que l’aurore patiente aux portes de la ville. A travers l’échancrure des buildings, on peut voir la zĂ©brure purulente fissurant mĂ©thodiquement les basques de l’horizon. C’est une nuit terrassĂ©e qui bat en retraite, flouĂ©e et abasourdie, encombrĂ©e de rĂȘves morts et d’incertitudes. Dans le ciel oĂč nulle trace de romance ne subsiste, pas un nuage ne se propose de modĂ©rer le zĂšle Ă©clatant du jour qui vient de naĂźtre. Sa lumiĂšre se voudrait RĂ©vĂ©lation qu’elle ne rĂ©chaufferait pas mon Ăąme. »

Tout cela pour nous apprendre que le soleil se lĂšve et que le narrateur ne transpire pas exactement la joie de vivre ! Bref, une envolĂ©e lyrique plus digne du romantique au balcon de sa bien aimĂ©e que du pauvre type qui vient d’apprendre que sa femme, non contente d’ĂȘtre disloquĂ©e, est une psychopathe sanguinaire. Ce serait un moindre dĂ©faut si ce style lourdingue se contentait d’ĂȘtre peu crĂ©dible, mais plus encore, il en vient Ă  rendre la lecture pĂ©nible, voire obscure, et confine par moment au risible, malgrĂ© le sujet on ne peut plus sĂ©rieux du livre.

Il est malheureux qu’un roman aussi ambitieux et bien construit perde tant de force Ă  cause, pourrait-on dire, de soucis de plomberie. Autant dire qu’à travers l’échancrure des mĂ©taphores, on peut voir l’écriture purulente fissurant algĂ©briquement les basques de l’intelligibilitĂ©. C’est finalement un lecteur terrassĂ© qui bat en retraite, flouĂ© et abasourdi, encombrĂ© d’adjectifs morts et plongĂ© dans une indicible perplexitĂ©.

Mon intention a toujours Ă©tĂ© de parler sur ce site des livres que j’aime et de donner envie de les lire. Cet article un peu particulier a Ă©tĂ© Ă©crit dans le cadre de mes cours Ă  l’INFL pour un dossier sur Yasmina Khadra, oĂč le choix du livre Ă©tait plus ou moins imposĂ©.

» Yasmina KHADRA, L’attentat, Éditions Julliard (2005), 268 p., 18 €

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