Lors du dernier salon du livre, dans le cadre des assises du livre numĂ©rique, j’ai reprĂ©sentĂ© Le BĂ©lial’ Ă l’occasion d’une table ronde ayant pour thĂšme la « La littĂ©rature de genre en numĂ©rique », face Ă StĂ©phane Marsan de Bragelonne et StĂ©phane Aznar de Harlequin. La table ronde peut-ĂȘtre intĂ©gralement visionnĂ©e ci-dessous, il existe Ă©galement une synthĂšse Ă tĂ©lĂ©charger en PDF.
On peut Ă©galement retrouver en vidĂ©o, sur le site du SNE, l’ensemble des tables rondes donnĂ©es ce jour-lĂ dans le cadre des Assises.
Ci-dessous, en bonus, les quelques notes que j’avais prĂ©parĂ©es pour la table ronde, qui ne correspondent pas forcĂ©ment Ă ce que j’ai pu dire concrĂštement pendant la table ronde, faute de temps ou, parfois, de clartĂ© :
Vos expériences respectives confirment-elles ce constat ? Pouvez-vous nous donner des exemples de titres phares en numérique ? Avez-vous eu des surprises par rapport aux titres phares parus en papier ?
Globalement, nos best-sellers en papier sont aussi nos best-sellers en numĂ©rique. Par exemple, le roman Tau ZĂ©ro de Poul Anderson, paru en juin dernier, quâon a rĂ©imprimĂ© plusieurs fois, et qui en numĂ©rique (266 ventes) est loin devant tous nos autres titres (85 titres pour le second).
Il y a toutefois des spĂ©cificitĂ©s : la revue trimestrielle Bifrost se vend trĂšs bien en numĂ©rique, ce que lâon peut imputer Ă son contenu (textes courts : nouvelles, articles, dossiers, critiques) et au fait quâil sâagit dâun pĂ©riodique. Autre bonne surprise : lâintĂ©grale FĂ©erie pour les tĂ©nĂšbres qui rassemble trois romans et cinq nouvelles en un seul livre numĂ©rique Ă 20 âŹ, preuve que les lecteurs sont prĂȘt Ă payer cher en numĂ©rique si le contenu suit (50 ⏠pour lâĂ©quivalent en en papier).
Quels sont dâaprĂšs vous les raisons qui expliquent cette appĂ©tence des lecteurs de genre pour le numĂ©rique ?
Le lecteur de SF est technophile, il aime les gadgets et nâa pas peur des nouvelles technologies. Plus encore, il est dĂ©jĂ habituĂ© Ă lâidĂ©e que lâinformation peut-ĂȘtre dĂ©matĂ©rialisĂ©e, que ce qui importe, câest lâoeuvre elle-mĂȘme, quelque soit le support de lecture.
Paradoxal parce que dans la littĂ©rature de genre, lâobjet compte beaucoup, notamment les illustrations de couverture et au BĂ©lialâ on attache beaucoup dâimportance Ă la fabrication de lâobjet (livre cousu, rabat, etc.)
Est-ce votre lectorat habituel qui se tourne vers le numérique ou recrutez-vous de nouveaux lecteurs ?
Ventes papier/numérique sur le site : 21% du CA (20% de prog. depuis 2010)
Ventes numériques sur le site : 42% des ventes numérique totales
Part du numérique dans les ventes du site : 6% en 2010, 13% en 2012
Et si on parlait promotion ? Chacune de vos maisons manie les rĂ©seaux sociaux et fĂ©dĂšre de vĂ©ritables communautĂ©s de lecteurs par ce biais. LĂ encore, est-ce liĂ© aux genres de vos ouvrages ? Pouvez-vous nous donner des exemples dâactions en la matiĂšre ?
Outre les rĂ©seaux sociaux, on a aussi un forum trĂšs actif, oĂč on discute avec nos lecteurs de lâactualitĂ© du BĂ©lialâ mais aussi plus gĂ©nĂ©ralement du monde de lâĂ©dition en gĂ©nĂ©ral et des mutations liĂ©es au numĂ©rique en particulier. On les a impliquĂ© dĂšs le lancement de notre plateforme en proposant deux livres numĂ©riques dont ils pouvaient fixer le prix eux-mĂȘmes, câest-Ă -dire Ă âvoter avec leur porte-monnaieâ pour exprimer ce quâils pensaient ĂȘtre le bon prix en numĂ©rique. RĂ©sultat : de 1,00 ⏠à 15,00 ⏠avec un prix moyen de 4,72 âŹ.
La créativité éditoriale est-elle plus facile en numérique ?
On reçoit parfois des manuscrits qui nous paraissent intĂ©ressant mais trop risquĂ© pour un tirage papier et que nous refusons donc Ă regret. Le numĂ©rique nous permet de contourner le problĂšme. En fĂ©vrier 2011, on a publiĂ© GenĂšse 2.0 : loin des Ă©toiles, un premier roman arrivĂ© par La Poste qui nous a beaucoup plu mais qui nous semblait peu viable commercialement. On a donc proposĂ© Ă lâauteur de le publier en numĂ©rique tout en lui permettant de conserver les droits papiers.
Jâai Ă©galement fondĂ© Dystopia, une petite maison dâĂ©dition associative avec deux autres libraires, pour pouvoir rĂ©Ă©diter des livres Ă©puisĂ©s quâon aimait et quâon avait envie de pouvoir conseiller, ou pour travailler sur de nouveaux livres dâauteurs publiĂ©s. Ici, le numĂ©rique nous permet de nous faire plaisir, dâexpĂ©rimenter, de prendre la tempĂ©rature, de satisfaire une demande restreinte, sans avoir Ă nous soucier du point mort.
On entend beaucoup parler dâauto-Ă©dition, notamment chez les auteurs de SF.
Au moment du lancement de notre plateforme, alors que la plupart des gens sâaccordaient Ă dire quâon allait plutĂŽt dans le bon sens, un auteur de SF nous est tombĂ© dessus en disant que câĂ©tait pas du tout ce quâil fallait faire, que le numĂ©rique Ă©tait une chance pour les auteurs de sâĂ©manciper des Ă©diteurs et quâil allait fabriquer ses fichiers lui-mĂȘme pour les vendre Ă 2,00 âŹ. Trois ans aprĂšs, son nouveau roman sort chez son Ă©diteur habituel, en papier et Ă 7 ⏠pour la version numĂ©rique.
Je pense que personne, et surtout pas les auteurs, nâa intĂ©rĂȘt Ă vĂ©hiculer lâidĂ©e que, grĂące au numĂ©rique, on peut publier nâimporte quoi nâimporte comment sans intermĂ©diaire, au risque dâĂȘtre noyĂ© dans une masse de livres globalement mĂ©diocre. Outre le travail Ă©ditorial, je pense quâon aura toujours besoin de prescripteurs pour sĂ©parer le bon grain de lâivraie et mettre en lumiĂšre les livres intĂ©ressants.
Au BĂ©lialâ, on compte beaucoup sur la librairie indĂ©pendante et sur le conseil du libraire pour faire exister nos livres, qui peuvent ĂȘtre parfois un peu pointu et sâadresser Ă un public prĂ©cis. Se pose vĂ©ritablement aujourdâhui la question de savoir comment reproduire cette expĂ©rience du conseil en librairie, essentielle pour nous, dans le domaine du numĂ©rique.