Dans un futur qui ne semble pas bien lointain, l’art ne se rĂ©sume plus qu’Ă une unique forme qui a supplantĂ© toutes les autres : le rĂȘve. OubliĂ©s les peintres, les compositeurs, les sculpteurs, les photographes ; les musĂ©es de demain seront plein de rĂȘves, ou ectoplasmes oniriques, ces petits objets mystĂ©rieux et organiques, dont on ne sait mĂȘme pas s’ils sont vivants ou conscients, mais qui apaisent tout ceux qui se trouvent aux alentours. Mais rares sont les scaphandriers qui, comme David Sarella, ont le Don de plonger dans leurs propres rĂȘves et d’y rester plusieurs jours d’affilĂ©s, d’y retrouver leur intĂ©rieur perpĂ©tuel et lucide, leurs amis plus vrais que nature, et d’en ramener les fameux ectoplasmes. Mais chaque plongĂ©e est une expĂ©rience Ă©prouvante qui tue Ă petit feu l’artiste. A moins que ce ne soit la remontĂ©e, le retour au monde rĂ©el. Et s’il Ă©tait possible de rester Ă tout jamais en bas ?
En lisant le syndrome du scaphandrier, on pense Ă©videmment Ă Philip K. Dick, mais surtout celle de Cronenberg, adepte non seulement de l’aller-retour entre irrĂ©el et rĂ©alitĂ©, mais aussi des dĂ©lires organico-artistiques comme ceux qu’a imaginĂ© Brussolo ici. Mais l’auteur ne tombe pas dans la facilitĂ© d’une aventure mĂȘlant mon rĂ©el et monde imaginaire Ă la maniĂšre d’un Ubik. Ici, toutes les limites sont nettement dĂ©finies, et ne sont franchies que lorsque le hĂ©ros dĂ©cide de plonger dans son mon onirique intĂ©rieur. L’intĂ©rĂȘt n’est pas tant de perdre le lecteur que de dĂ©crire un hĂ©ros qui lui, erre dans notre monde comme si c’Ă©tait un rĂȘve avec la seule impatience de la prochaine plongĂ©e, et se rĂ©veille dans ses rĂȘves comme s’il s’agissait de la rĂ©alitĂ©.
N’avez-vous jamais rĂȘvĂ© de pouvoir, non seulement prendre le contrĂŽle de vos rĂȘves, mais aussi d’ĂȘtre capable d’y rester ? Paradoxalement, Brussolo passe plus de temps Ă faire errer son hĂ©ros dans le monde rĂ©el, du musĂ©e des rĂȘves Ă l’hospice oĂč les vieux chasseurs finissent leur vie, plutĂŽt que dans ses rĂȘves. Car c’est lĂ que se trouve tout l’intĂ©rĂȘt de l’oeuvre : dans la description esquissĂ©e de ce monde presque post-apocalyptique absurde et incomprĂ©hensible pour nous. OĂč des gens vouent un culte bizarre Ă des oeuvres d’art qui vivent et meurent comme des ĂȘtres vivants, sans savoir vraiment d’oĂč ils viennent, ni mĂȘme comment s’en dĂ©barasser.
Le syndrome du scaphandrier pose plus de questions qu’il n’apporte, en peignant ce dĂ©cor noir et ambigu. Toute l’histoire est racontĂ©e en filigrane, en ombre chinoises. Le portrait de cette humanitĂ© dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e, adeptes d’un art unique et absurde comme d’une religion pour les uns et droguĂ©s aux rĂȘves, solitaires au point de ne mĂȘme plus pouvoir communiquer avec leurs confrĂšres, pour les autres, fait froid dans le dos. Brussolo laisse deviner qu’un triste sort attends les habitants de ce monde, sans donner toutefois de vĂ©ritable indice sur la forme que cela prendra. Et ce n’est sĂ»rement pas le hĂ©ros romantique et je-m’en-foutistequi s’en inquietera. Au lecteur de dĂ©cider. S’il se rĂ©veille de ce cauchemar…
‘les musees de demain seront plein de reves’, j’ai du mal Ă coprendre, j’avoue đ en tot cas merci pour ce billet intĂ©ressant ! c’es toujours sympathique de passer suur ce blog đ